Bouches-du-Rhône | CENTRE DE GERONTOLOGIE DEPARTEMENTAL |
Bilan d' expériences : "des efforts récompensés" , octobre 2016 | |
porteur du projet: | Danielle Barilla, art thérapeute |
projet-déroulement: | C’est un petit jardin…
Le jardin sensoriel a été inauguré en 2013. Initialement dédié aux résidents d’une Unité Protégée accueillant des personnes âgées souffrant de maladie d’Alzheimer et apparentée, il est aujourd’hui ouvert à tous, notamment aux familles qui s’y rendent spontanément. Ce petit jardin a été sélectionné cette année par l’association Jardin et Santé, et la bourse qui nous a été octroyée a été utilisée pour des travaux d’aménagements visant à structurer l’espace (pergola, soutien de la vigne, nouvel espace potager), ainsi que pour des achats de mobilier pour le confort des résidents (chaises longues, parasol, coussins).
Envisagé avant tout comme une extension du lieu de vie, le jardin est entretenu de façon à rester un peu désordonné et sauvage, afin qu’il puisse être un lieu de rêverie qui évoque quelque chose de connu pour les résidents. C’est pourquoi il se réfère à l’esprit « bric-à-brac » des jardins ouvriers, par le détournement de matériaux de récupération, l’utilisation des cannes de Provence pour les constructions potagères, le désherbage manuel qui laisse la place aux « simples » connues de tous : coquelicot, mauve, pissenlit, chicorée… Ce coin de verdure s’invite ainsi à vivre avant tout comme un jardin familial. Une utilisation diversifiée et des effets bénéfiques pour les résidents L’univers clos des unités protégées est souvent éprouvant pour les usagers. Dans ce Sud où nous vivons, la vie s’articule avec le dehors, aussi les situations au jardin réactivent des souvenirs intimes chez des personnes bien malades. Yvonne se croit dans son jardin en Corse, Yves évoque le jardin de son enfance, Marie-Jeanne désigne la vigne en disant « c’est avec ça - les feuilles - qu’on fait les dolmas ! » (elle est d’origine arménienne)… Ce qui peut-être observé par les professionnels est relaté dans la littérature scientifique consacrée[i] : le contact avec la nature « entraîne des bénéfices cliniques (bien-être accru, diminution des symptômes pathologiques) et « facilite la récupération mentale après des tâches complexes, améliore les performances subséquentes, renforce la vigilance, l’attention, la mémoire, etc. ». Des phénomènes biologiques sont également soulignés : « baisse du cortisol dans le sang, de la pression artérielle, du rythme cardiaque ». Des histoires humaines, de rencontres et d’engagement Au delà des bénéfices cliniques, nous pouvons également nous réjouir d’une dimension psycho-sociale du jardin sensoriel. L’inclusion en EHPAD d’une personne âgée souffrant de la maladie d’Alzheimer, rime trop souvent avec exclusion, réclusion… Autour du jardin sensoriel, une dynamique relationnelle particulière s’est créée, grâce à l’implication des familles et des professionnels qui aident à l’entretien, à l’utilisation, ou proposent des animations associant dimension paysagère et artistique. Depuis trois ans Christiane (dont le frère aujourd’hui décédé a vécu deux années dans l’unité protégée) jardine, aide, accueille les résidents. Sans son aide précieuse et son savoir faire pour l’entretien, le jardin n’aurait pas si belle allure. La relation forte à la nature qu’entretiennent Christiane et Françoise, et leur implication active pour l’amélioration de la qualité de vie des résidents, apportent une vraie ouverture aux personnes âgées avec lesquelles elles ont tissé de réels liens affectifs. D’une porte ouverte sur le jardin à l’ouverture à l’autre, à soi-même Le jardin propose des expériences charnelles avec le monde. Il fait appel aux sensations corporelles (sonores, tactiles, olfactives, visuelles, gustatives,) et aux mouvements de l’imagination (rêverie, contemplation). Il est possibilité d’échange avec la réalité extérieure, mais il est aussi ce lieu chargé de mythes et d’utopies, qui nous renvoie à nos mondes intérieurs. Allant au delà des activités potagères, c’est tout ceci qui se partage aussi dans ce petit jardin. Du bien-être à l’expression : jardin, peinture, aménagement Source d’inspiration et d’expériences sensorimotrices, le jardin occupe une place importante dans mon dispositif d’art-thérapie. Par ailleurs, des projets artistiques ponctuels s’y déroulent in situ, associant les différents résidents de l’EHPAD. Le partenariat engagé avec le Collectif SAFI (plasticiens-cueilleurs-paysagistes) depuis trois ans a ainsi contribué à la découverte et à l’observation des plantes du jardin (repérage, récolte, dégustation en tisanes). Il a également favorisé l’implication des résidents dans la création de panneaux de signalétique du jardin. Des efforts récompensés Beaucoup d’énergie, de foi dans le projet, nous ont été nécessaires pour donner vie à ce petit jardin. Les retours positifs des usagers sont aujourd’hui encourageants, et la reconnaissance de Jardins et Santé a permis de gravir rapidement quelques marches qui ont rendu visible au sein de l’établissement la dynamique existante autour du jardin sensoriel. Clos et ouvert, la particularité d’un jardin en EHPAD Cet espace du jardin est, au sein de l’établissement, un lieu atypique qui contribue à sortir de l’isolement les résidents de l’EHPAD, et ceux de l’unité protégée en particulier. Ouvrir des portes sur des jardins dans les EHPAD, est reconnaître le besoin de liberté de circulation de la personne âgée souffrant de troubles cognitifs et comportementaux, et la nécessité pour elle de se rattacher au connu, de se relier au vivant. Lui permettre de s’éprouver elle-même face au vide et à la souffrance, de se souvenir, et d’oublier pour s’aventurer ailleurs. Cycle continu de la vie au jardin, cycle continu de la peinture sans cesse renouvelée en atelier… Le Jardin - réel ou peint – est une expérience de vie pour la personne âgée malade qui fait émerger des questionnements sur notre propre condition d’Humain dans sa finitude, et des préoccupations métaphysiques. Danielle Barilla, art-thérapeute, Centre Gérontologique Départemental, Marseille [i] ANDRÉ Christophe, « Notre cerveau a besoin de nature », in Cerveau et Psycho n°54, 2012 2 AMYOT J.-J., « L’ogre et les conduites interstitielles ; Ethique et institution », in Autour de la désobéissance éthique et de l’injonction paradoxale, Revue thématique du CREAI PACA et Corse, 2014
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