Retour vers des lauréats des bourses Jardins & Santé de 2013 : EPSM - région lilloise 

En 2013, le projet d’aménagement du jardin de l’établissement public de santé mentale de l’agglomération lilloise (EPSM-AL) qui accueille adultes, adolescents et enfants, recevait une bourse de Jardins & Santé.
Laurence Toussaint, photographe bénévole et administratrice de Jardins & Santé, est retournée visiter ce jardin, elle a pu en apprécier le développement grâce au dynamisme bienveillant des équipes.

Etienne Grave, éducateur technique spécialisé, coordinateur et responsable du Centre Horticole expose :

« L’atelier-jardin aujourd’hui dénommé « centre horticole » s’est doté d’un projet d’accueil et d’accompagnement des patients. D’abord, il se veut « espace esthétique de vie » : même sans y être vraiment actif, on s’y sent bien, dans le calme, on y contemple la végétation, on y rencontre d’autres usagers. Ensuite, diverses propositions s’y sont greffées comme autant de micro-projets d’activités. Les plus récents accueillent et redonnent des activités aux enfants autour de la culture et de l’élevage . On y cultive légumes, fruits, plants, fleurs destinés à la vente, on y pratique des ateliers : recyclage de palettes, cuisine (four à pizza, soupe journalière préparée à partir des légumes du jardin...)
Le terrain de 4 000 m2 est composé de divers jardins : jardin de promenade, de bien-être, coloré, pédagogique, de petits fruits, potager, mare … auxquels s’ajoute une pâture où vivent un poney et deux ânes. La collection de plantes odorantes comporte 80 variétés de menthe, 25 de thym et 40 de pélargoniums. L’ensemble est entièrement et uniquement entretenu par l'équipe et les patients. »
Les patients sont pris en charge individuellement et collectivement par une équipe de quatre travailleurs sociaux, et ponctuellement par des soignants.

« Le centre horticole : simple contribution occupationnelle ou fonction thérapeutique reconnue ? » Etienne Grave pose la question.
Pour répondre à cette interrogation, les témoignages de patients sont éloquents : amélioration physique, remise au travail, détente, liens sociaux …
Serge vient au centre horticole depuis sept ans ce qui lui permet de bouger et d’observer la vie dans les jardins : « ça fait du bien, ça fait du bien au dos aussi, ça calme les douleurs … J’aime bien observer les insectes qui vont dans tous les sens. »
Stephen, lui, vient au centre depuis cinq ans : « On est valorisé par notre travail et ça nous donne envie de bien faire et de faire autre chose à l’extérieur en même temps. C’est grâce au centre horticole que je me suis remis au travail. »
Patrick fréquente le centre depuis quatre ans : « Ça fait partie de mes occupations. Ça fait du bien de sortir de chez soi, de voir autre chose que ses quatre murs. L’ambiance est intéressante, il y a du monde qui passe et une multitude d’occupations différentes. Chacun entreprend ce qu’il a envie de faire. Quand on visite le jardin, on a des sensations olfactives, selon les saisons. Ça permet de respirer un bon air. Sentir le jardin, selon qu’il y a du soleil, de l’humidité... Une fois, je ne me sentais pas bien, j’étais un peu stressé et dès que je suis arrivé ici, j’ai fait le tour du jardin et ça m’a fait du bien. Je faisais pas mal de photos aussi du jardin ». Ses photos ont été publiées à de nombreuses reprises dans le journal La Voix du Nord.
Gaëlle, vient au centre depuis deux mois : “Pour moi, c’est une échappatoire et un but. Ça me permet de m‘occuper l’esprit et le corps en même temps, quand on peut ». Une blessure au genou l’a éloignée du jardin où elle a hâte de retourner. En attendant, elle apprécie de couper les légumes pour la soupe : « même si c’est juste couper un potiron, c’est penser à autre chose qu’à ses problèmes et faire quelque chose d’utile et d’agréable en même temps ».
Frédéric, vient au centre depuis trois ans : Il se force un peu à venir pour respecter ses engagements et sa prescription, mais une fois qu’il est là, il se sent bien : « On voit pas que c’est thérapeutique, on peut rentrer, il y a pas de caméra, c’est pas l’hôpital, on se sent un peu chez soi, enfin chez les copains quoi. » « On rigole souvent ici, alors qu’à l’appartement thérapeutique ou à l’hôpital on rigole moins ». Il cite Candide : « il faut cultiver notre jardin ».
Une amélioration de la relation soignants-soignés, des bienfaits reconnus

Cassandre, anthropologue :

« Le centre horticole de l’EPSM est un bon exemple des bienfaits de la nature sur la santé puisqu’il vient faire revivre l’héritage agricole de l’établissement qui était autrefois auto-suffisant mais en l’adaptant au contexte actuel. Les patients n’y « travaillent » plus mais viennent plutôt s’occuper et prendre soin d’eux-mêmes et des autres. (…) Même si le jardin a des bienfaits en lui-même, ses bénéfices sont largement décuplés par la présence constante de l’équipe qui rend le lieu accueillant et dynamique. Autrement dit, le jardin ne suffit pas, il faut le rendre vivant, et c’est exactement ce que le centre horticole réussit à faire.(...) Patients et soignants s’y côtoient et y font les mêmes activités, ce qui est finalement rare dans le contexte hospitalier et dans les parcours de soins. Cela a plusieurs effets positifs sur la relation soignant-soigné. Difficile parfois, pour quelqu’un comme moi qui vient d’arriver au centre, de distinguer les patients des soignants. En proposant des activités thérapeutiques qui n’ont toutefois pas l’apparence de traitements médicaux, le centre horticole constitue un lieu social, véritable repère pour de nombreux patients qui continuent de le fréquenter plusieurs années après avoir été hospitalisés, permettant ainsi à l’équipe de suivre leur évolution, de cultiver le lien et d’éviter, autant que possible, de nouvelles hospitalisations.

Docteur Perez de Obanos, psychiatre PATIO (Pôle d’accueil thérapeutique intersectoriel et d’orientation)

« Le centre horticole de notre établissement de santé mentale est un espace très précieux, un lieu de bien-être, de partage, de rencontres, de lien social : se sentir bien, avoir une vie équilibrée, réaliser ses objectifs et s’épanouir.
Tous ces éléments procurent à nos patients un bien-être physique, émotionnel, social qui améliore l’estime de soi et les emmène vers un sentiment de calme, de refuge de l’esprit et de partage.
Ils nous le disent tous, ils se sentent apaisés lorsqu’ils y sont !
Le jardin devient, comme par magie, un lieu de soins avec des prises en charge qui facilitent la diminution de stress, la restauration de l’humeur, l’augmentation des capacités d’attention, la facilitation des échanges. Je partage ici les paroles d’un neurologue et écrivain britannique, Oliver Sacks, lorsqu’il écrivait que « les jardins et la nature sont souvent plus efficaces que n’importe quel médicament »
Merci à l’équipe qui accueille nos patients avec bienveillance, merci pour ce merveilleux jardin dont les bénéfices de la pratique du jardinage contribuent à la santé mentale.
Muchísimas gracias ! Merci beaucoup !

Etienne Grave conclut :

« Ce jardin de bien-être mené par une équipe de travailleurs sociaux engagée à temps plein reste une expérience très riche et atypique.
Accompagner des patients tous les jours, toute l’année, du jardinage simple, à la production de plants pour la vente, puis une production de légumes divers destinée à la soupe journalière sans oublier les activités cuisine et les fêtes locales (portes ouvertes, journée du patrimoine, fête de la soupe) le tout dans un espace de 4 000 m2 … C’est cela la vie du centre horticole !
Ce jardin a reçu en 2018 le Grand prix de Jardin pédagogique de la SNHF (Société nationale d’horticulture de France) partenaire de Jardins & Santé.

 crédit photos: Laurence Toussaint